"Est-il possible continuer le jeu sans se laisser prendre au jeu ?
Peut-être que oui, comme au théâtre. Quand on incarne un personnage, on croit à notre personnage, on ressent ses émotions, on vit vraiment la scène. Mais il y a une part de nous qui sait qu'elle joue un rôle, et qui ne l'oublie jamais.
Nous savons toujours qui nous ne sommes pas le personnage, même si parfois il nous habite intensément, nous hante, nous accapare, nous embarque dans son histoire. Mais l'acteur sait qu'il est l'acteur et non le rôle.
Et c'est pourtant bien au sein du même être, du même corps, que cohabitent personnage et acteur. Ils ne sont pas deux corps distincts.
La réalisation, c'est d'une part savoir que l'on est un acteur, et d'autre part, ne plus jouer le personnage mais le laisser être.
Au théâtre, c'est quand un comédien trouve cet espace, s'efface, ne "joue" plus, qu'il est un bon comédien et qu'il donne vraiment vie au personnage.
C'est quand l'individu se laisse être vécu par la conscience, qu'il est un vivant, qu'il naît à lui-même, qu'il devient non pas "réel", mais "vrai". Un reflet authentique de ce qu'il est dans son essence.
Un dédoublement de conscience (se savoir un acteur qui joue un rôle), n'est pas une dissociation de l'être.
C'est se vivre sur deux plans simultanément.
C'est offrir un instrument à un potentiel, sans créer de dualité entre l'un et l'autre.
Je suis l'outil et le souffle qui l'anime tout à la fois. Cette reconnaissance permet l'unification de tout ce qui me compose.
Quand l'acteur se prend pour le personnage, là est la dissociation, car il se vit comme séparé de sa nature. Il croit que c'est lui qui acte, qui décide, qui oriente sa vie.
Il est coupé du réel, de la vérité de ce qu'il est.
Il n'en a pas conscience, mais quelque chose en lui n'est jamais satisfait.
Comme dans ce film "The Truman Show" ou "Matrix", il sent confusément que "quelque chose ne va pas".
Il voit bien qu'il a beau essayer de contrôler, il n'y arrive pas vraiment.
Il vit dans l'idée qu'il y a d'un côté lui, et de l'autre la vie, et qu'il doit mener un combat avec cette vie car elle ne fait pas ce qu'il veut. Et de là naît sa souffrance.
Quand l'acteur réalise sa vraie nature, il n'est plus séparé de son environnement. Il voit que tout ce qu'il perçoit est un reflet de lui-même. De ses conditionnements sur le plan relatif, et de son essence sur le plan absolu."
- Suyin Lamour
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Mots clés : jeu, personnage, réalité, unité, dualit
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