Au coeur de ce tumulte, comment peut-on rester zen ? Existe-t-il une méthode pour échapper aux courriels qu'on consulte vingt fois par heure ? Après avoir longuement souffert d'un quotidien éclaté et fragmenté, Nicole Bordeleau s'est mise à la recherche des réponses à ces questions. A travers de courtes histoires tirées de son vécu, d'anecdotes stimulantes nées de ses succès et de ses échecs ainsi que de vérités universelles à la fois décapantes et encourageantes, elle propose une vision rafraîchissante de la zénitude. S'appuyant sur les enseignements qui ont marqué sa vie, elle nous invite à examiner nos habitudes, nos conditionnements et nos angoisses pour en découvrir le sens et passer du chaos au calme, de la peur à la liberté intérieure.

Là où tu vas, tu es

Cette histoire se passe il y a très longtemps, loin d’ici, dans une grande cité foisonnante de vie et de couleurs. Devant la monumentale porte d’entrée de cette ville se trouvait un puits qui servait à abreuver les animaux des marchands ambulants qui arrivaient et repartaient. Un jour, un vieux sage, assis sur la margelle du puits, contemplait silencieusement les passants. Un jeune nomade, lourdement chargé et visiblement très fatigué, s’approcha du puits pour y faire boire son âne. Il salua poliment le vieil homme, puis le questionna:

«Monsieur, mon père m’envoie dans cette ville pour y faire du commerce, mais je viens d’un petit village et je ne connais personne. Comment sont les gens, ici?

— Comment étaient les gens de ton village? lui demanda le vieux sage en guise de réponse.

— Oh, c’est un joli village, monsieur. Les gens y sont très aimables et j’y ai beaucoup d’amis.

— Sois sans crainte, répondit le vieux sage dans un demi-sourire. Les gens de cette ville sont tout aussi aimables et tu t’y feras beaucoup d’amis.»

Rassuré par cette réponse, le jeune homme reprit son âne et, le sourire aux lèvres, fit son entrée dans la ville. Quelques instants plus tard arriva un nouveau voyageur qui fit halte lui aussi au puits pour y faire boire deux chevaux qui tiraient une gigantesque carriole.

«Tu as l’air fort fatigué lui dit le vieux sage sans même le regarder. Tu sembles avoir fait un long voyage. D’où viens-tu?

— Oui, je suis fatigué et inquiet. J’ai traversé tout le pays pour venir refaire ma vie ici. J’espère que j’y serai bien accueilli.

— Et pourquoi donc fuis-tu? N’étais-tu pas heureux là d’où tu viens?

— Non, j’y étais fort malheureux. Là-bas, les gens sont cruels et malveillants. J’y avais beaucoup d’ennemis qui me voulaient du mal.

— Oh, j’ai bien peur que tu ne sois pas heureux ici non plus. Les gens de cette ville ne seront guère plus aimables. Je doute que tu puisses trouver la paix ici!»

Déçu par les dires du vieil homme, le voyageur saisit la bride de ses chevaux et la lourde caravane fit demi-tour et disparut à l’horizon. Assis à l’ombre d’un figuier, un jeune berger qui avait assisté à la scène se leva et s’approcha du sage.

«J’ai tout entendu, dit-il. Je suis étonné par vos paroles contradictoires, vieux sage. Comment avez-vous pu dire au premier voyageur que les habitants de cette ville sont amicaux et à l’autre qu’ils sont hostiles?

— C’est très simple, mon enfant. Nous transportons le monde au fond de nous-mêmes!»