Ayant été traversée par cette expérience du deuil très récemment, et accompagnant d'autres personnes sur ce chemin, j’ai à cœur aujourd’hui de la partager avec vous. Non pas comme une vérité ultime car chacun vit ce passage à sa façon, mais comme une expérience initiatique.
Je veux vous parler ici du deuil d’un être cher, bien qu’il existe aussi de multiples façons de vivre des deuils comme autant de petites morts sur le chemin qui préfigurent notre propre transformation.
Lorsque nous perdons un être aimé, nous nous trouvons propulsés dans un espace-temps très particulier. Un espace dans lequel nous pouvons nous sentir déconnectés de la réalité, comme aspirés par un vide abyssal. L’équilibre que nous avions installé, bien que cet équilibre soit toujours relatif, est rompu.
Nous nous sentons comme « amputés » d’une partie de nous-mêmes, coupés de ce lien précieux et dépossédés de fait du contact physique avec la personne disparue, avec toute la dimension sensorielle que ce lien comportait.
Nous ne pouvons plus voir, toucher, sentir et goûter à l’être aimé. Nous devons apprendre à vivre sans cette présence palpable à nos côtés.
Ce bouleversement est d’abord un arrachement, et nous le vivons du mieux que nous pouvons.
Il y a des moments insupportables et des instants plus doux.
Il y a des souvenirs qui nous remplissent de leur parfum et il y a aussi la douleur, le chagrin, l’absence. Ne plus pouvoir partager les moments importants, ni les ressentis. Ce sont des renoncements qui morcellent le cœur. Le deuil est une traversée intime, douloureuse et silencieuse, qui sculpte doucement notre âme.Nous permettre de vivre cette traversée pleinement, la ressentir dans notre chair, nous rappeler, sourire, pleurer, remercier, nous insurger parfois. Tout à sa place. Tout est nécessaire. Chaque étape est une marque de respect et d’amour envers l’être disparu.
Cette traversée nous enseigne, malgré tout, que l’amour est plus fort que la mort et qu’il survit à l’absence.
L’être cher vit désormais en nous, dans notre cœur, dans nos pensées, dans nos gestes, dans nos mimiques, dans la confection d’un mets, dans l’éclosion d’une fleur, dans la façon dont nous aimons ou détestons, dans nos indignations aussi.
Sa trace est indélébile et dépasse largement la séparation des corps.
En étant doux avec nous-mêmes sur ce chemin, en respectant le temps dont nous avons besoin pour alléger la peine, nous pouvons peu à peu transformer la douleur en apaisement et la foi en quelque chose de plus grand vient panser nos dernières blessures.
Le deuil n’est pas la fin de l’amour mais sa transformation la plus profonde, car au bout du compte nous ne sommes que l’amour.
Et puis un jour, dans le silence apaisé du cœur, vient ce moment de grâce…Celui où l’on peut dire merci à l’être disparu, non plus avec des larmes, mais avec de la lumière, pour nous avoir fait vibrer si haut, là où l’Amour touche l’invisible.
Vient le moment où la déchirure est transmutée en force de vie, en opportunité de croissance.
Vient le moment où nous cessons de nous identifier à la douleur et au manque.
La foi, dans son sens le plus noble, nous apporte cette perception intime et inébranlable que rien ne meurt mais que tout se transforme.
Il ne reste que l’Amour, avec un grand A, et cet Amour peut tout traverser.
A chaque épreuve de vie, il amplifie sa vibration en nous et nous permet de nous relier autrement. Dans le manifesté et dans le non manifesté ; cet espace infini et lumineux où tout est possible et où rien ne s’éteint.
Petit à petit, avec beaucoup de patience et d’amour, nous devenons capables de goûter à une forme de paix.
Petit à petit, notre chemin s’ouvre à nouveau et la Vie reprend ses droits.
L’ouverture est graduelle mais continue car nous avons intégré quelque chose de particulier et de bien plus grand que nous. Quelque chose que notre mental ne peut pas capter, limité qu’il est par ce qu’il a reçu et par ses multiples conditionnements.
Cette ouverture permise par la perte et le renoncement nous offre alors un des plus beaux cadeaux qui soit : la conscience qu’il n’y a pas de séparation et que notre âme est immortelle.
C’est par cette traversée douloureuse mais néanmoins initiatique qu’est le deuil, que nous sommes en mesure d’accueillir notre véritable dimension et de la saisir comme une nouvelle peau. La mue qui se produit alors est irréversible et nous propulse au plus près de qui nous sommes vraiment.
Muer, ici, c’est se souvenir de qui nous sommes : un être céleste dans un corps de chair.
Nous l’avons toujours été mais le voile de l’oubli nous empêchait d’y accéder. La déchirure de la perte a ouvert une brèche qui ne pourra plus jamais se refermer. Une brèche qui permet à la lumière d’instiller petit à petit toute sa splendeur dans nos corps.
A chaque déchirure, lorsque le chagrin est enfin apaisé, c’est la puissance de Vie qui nous réanime et qui insuffle en nous toute sa vibration. Le deuil est une nuit sacrée où l’âme apprend à voir l’obscurité. Et quand l’aurore revient, ce n’est plus la même lumière : c’est une force tranquille née de l’absence qui fait de chaque souffle un acte de Vie.
© Géraldine AMELIN
reproduction intégrale interdite, tout extrait doit citer mon site www.theraneo.com/geraldine-amelin
Mots clés : deuil, séparation, âme, immortelle, amour
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